Le blog de Bachir Sylla

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Guinée. Symbiose ethnique : les Diakhankés, ces cousins des Peuls

La question ethnique a toujours été sensible en Guinée, pour avoir été au centre des luttes politiques et de la bataille pour le contrôle du pouvoir, depuis le régime de Sékou Touré. A travers la démocratisation, se profile une tendance à circonscrire ce péril identitaire. Mais le feu couve sous la cendre. Il reste que ces conflits ne mettent pas seulement en scène des groupes majoritaires, car la coexistence entre minorités s'avère parfois aussi heurtée (encadré 2). Toutefois, la Guinée ne vit pas que d'antagonismes ethniques (encadré 1). Et même qu'une intelligente coexistence communautaire est facteur de paix au niveau de sa frontière sensible avec le Liberia (encadré 3).

Ils appartiennent au grand groupe des Sarakollés, encore appelés Soninkés. On les dit originaires de l'empire du Ghana (400 - 1100 ap Jc). Dans nombre de pays d'Afrique de l'Ouest, leur présence est significative. En Guinée, ces Diakhankés sont paysans ou commerçants, mais ils sont surtout connus comme prédicateurs musulmans. Ethnie minoritaire dans ce pays, leur intégration s'est opérée sans heurt dans cette mosaïque identitaire ou l'osmose n'a pas toujours pris. En fait, l'ethnicisme a été l'une des bases du système politique depuis feu le président Sékou Touré, et jusqu'à présent il demeure un facteur déterminant. Mais à travers l'histoire, les Diakhankés ont su marquer la société guinéenne, se laisser influencer aussi tout en restant eux-mêmes.

La "marche" des Diakhankés vers la Guinée commence avec la conquête du Ghana par les Almoravides, qui ont introduit l'islam en Afrique de l'Ouest vers la fin du XIe, siècle. C'est alors qu'un certain nombre de royaumes soninkés indépendants voient le jour. La Guinée actuelle était partie intégrante de cet ensemble géopolitique qui couvrait une bonne partie de l'Afrique de l'Ouest, et dont l'économie, pour l'essentiel, reposait sur l'exploitation et le commerce de l'or. Cette fin de l'Empire ghanaïque sonne ainsi l'amorce de vastes mouvements migratoires et les Diakhankés se retrouvent un peu partout dans l'espace ouest-africain pour constituer des familles maraboutiques. En Guinée, les historiens les disent originaires de Diakha, un village du Macina, au Mali. Et Diakhanké ne signifie autre chose qu'"originaires de Diakha". Qu'ils répondent aux noms de Fadiga, Fofana, Souaré, Dramé, Diaby, Touré, Sylla, Diawara ou Kanté, ils appartiennent à la même branche. Des patronymes qui essaiment une bonne partie de l'espace ouest-africain, témoin de leurs multiples migrations. "Peuple de partout et de nulle part", comme on peut le dire pour nombre d'ethnies africaines.

Le patriarche diakhanké le plus souvent cité, Karamokaba Diaby, serait venu s'installer au Fouta Djallon après avoir transité par Kankan, en Haute-Guinée. L'hospitalité dont il aurait alors bénéficié chez les Peuls serait ainsi à la base du cousinage à plaisanterie qui règne entre ces derniers et les Diakhankés. "Quand nos ancêtres sont venus s'installer au Fouta, raconte un traditionnaliste diakhanké, les Peuls ont d'abord mené sur eux une sorte d'enquête de moralité. C'est après des observations et des investigations qu'ils ont réalisé que nos grands-parents étaient dignes de leur confiance. Tant sur le plan religieux que sur le plan intellectuel. Et au bout du compte, ils ont fini par nouer une alliance".

Karamokaba Diaby et ses fidèles se seraient d'abord fixés dans la région de Mali (Yimbéring) pour fonder le village de Touba. Après y avoir passé une douzaine d'années, il aurait gagné la région de Gaoual pour y fonder un second Touba. Pour nombre de traditionalistes, ces évènements fondateurs auraient eu lieu il y a un peu plus de deux siècles. Depuis, un véritable processus d'intégration s'est mis en place qui se traduit par le fait que les Diakhankés parlent couramment le pular. Tout comme ceux qui vivent à Kindia et à Boké parlent soussou.

Au fil du temps, par leurs activités commerciales et par la religion, les Diakhankés ont été au centre de métissages et de brassages divers. Au point que leur langue, dérivé du sarakollé, passe pour une sorte de "latin" ; une langue de base bien comprise des autres groupes ethniques de la Guinée. Mais par-delà les frontières qui les dispersent entre la Guinée, le Sénégal, le Mali, etc., la tradition diakhanké survit aux influences. La cuillère traditionnelle ou kalama continue de symboliser l'unité et la concorde. La religion reste aussi un ciment fédérateur. Pour le groupe en lui-même et par rapport à son environnement.

In Panos infos / 2002



09/02/2008
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