Le blog de Bachir Sylla

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Assemblées annuelles du Fmi et de la Banque mondiale: Le Japon réussit un pari risqué

Le Japon aura réussi le pari d’une organisation presque parfaite des 60ème Assemblées annuelles du Fonds monétaire international (Fmi) et de la Banque mondiale, tenues du 9 au 14 octobre dernier, à Tokyo. Un rendez-vous planétaire auquel ont pris part, pas moins de 10.000 délégués originaires des 188 pays membres des institutions de Bretton Woods. Ils étaient décideurs, représentants des pouvoirs publics et du secteur privé, ou tout simplement universitaires ou acteurs de la société civile, notamment des médias.

La Guinée était-là

La Guinée était représentée à cette grand-messe par une délégation conduite par M. Kerfalla Yansané, le ministre de l’Economie et des Finances, et comprenait entre autres, le ministre délégué au Budget, M. Mohamed Diaré, le gouverneur de la Banque Centrale de la République de Guinée, M. Louncény Nabé et des conseillers chargés des questions économiques et financières du Président de la République et du Premier ministre. La société civile guinéenne était représentée quant à elle par M. Abdoulaye Baldé, de l’ONG Jeunesse Active de Guinée.

Un Prince fier et reconnaissant

Le moment le plus solennel de ces assemblées aura été sans nul doute la séance plénière du 12 octobre, rehaussée de la présence de Son Altesse Impériale le Prince héritier du Japon, Naruhito, qui a profité de l’occasion  pour dire toute la fierté de son peuple de voir se dérouler sur ses terres un événement aussi grandiose que ces Assemblées annuelles du Fmi et de la Banque mondiale, un peu plus d’un an après le tsunami qui a frappé le pays de plein fouet. Il a ainsi exprimé sa gratitude à tous les pays qui ont apporté un soutien au Japon à la suite de cette catastrophe. Le Prince Naruhito a rappelé que son pays,  membre du Fmi depuis 1952, avait déjà reçu une assistance financière des institutions de Bretton Woods par le passé.  

«Cette assistance internationale ajoutée aux efforts du peuple japonais nous ont permis de réaliser un développement rapide. Aujourd’hui, le Japon  appuie des pays qui se trouvent dans des difficultés économiques et qui connaissent la pauvreté, par le biais d’une contribution active aux différentes activités du Fonds monétaire international et du groupe de la Banque mondiale», a-t-il déclaré. Selon lui, l’économie mondiale doit, de nos jours, relever plusieurs défis, comme celui de la croissance économique durable, la stabilisation du système financier, la reprise des emplois, la réduction de la pauvreté et réagir à des catastrophes et à des changements climatiques importants.

«Ces enjeux mondiaux exigent des efforts au niveau mondial qui reposent sur un esprit de coopération internationale», a estimé le prince héritier, qui dit avoir de «grands espoirs» que le Fmi et le groupe de la Banque mondiale pourront jouer un rôle important et croissant dans le cadre de ces efforts. «Après le grand tremblement de terre de la zone Nord-est du Japon, nous avons su à quel point il est important de compter sur l’assistance mutuelle et d’agir dans le cadre de la solidarité», a-t-il affirmé. Il a souligné que nombre des messages que le Japon avait reçus de l’étranger, mentionnaient qu’il était tout à fait extraordinaire de voir que les victimes des catastrophes, même dans des situations si difficiles, pouvaient s’aider les uns les autres, en vue de prendre des mesures de reconstructions…

« L’avenir de l’économie mondiale est menacé»

La Directrice générale du Fmi a remercié le prince Naruhito ainsi que l’ensemble du peuple japonais pour la chaleureuse hospitalité réservée aux différents invités et pour tous les travaux préparatoires ayant concouru à la réussite de ces assemblées. Elle a par la suite rappelé le long chemin parcouru par le Japon, tout en s’attardant sur sa visite la veille, en compagnie du président de la Banque mondiale, à Sendaï, qui a été le théâtre du tremblement de terre et du tsunami dévastateur de l’an dernier, où autant de vies ont été perdues, autant de rêves brisés.

«J’ai vu à Sendaï une ville en renouveau, une ville qui doit nous inspirer. J’ai vu du courage, de la confiance. J’ai vu la directrice de cette école primaire qui nous a dit: après avoir sauvé tous ces écoliers l’année dernière, je vais pouvoir leur donner à nouveau de l’espoir et des rêves», a indiqué Mme Lagarde. Pour qui, cela devrait inspirer tout le monde afin que l’on comprenne que c’est en faisant un front commun qu’on peut surmonter les turbulences de notre époque et retrouver un monde pacifié.

Cette parenthèse fermée, Mme Lagarde s’est penchée sur «le rythme et l’ampleur de l’évolution de l’économie mondiale», «la voie à suivre» et «sa vision du Fmi de demain». Au sujet du premier thème, elle a fait cas des bouleversements démographiques, du pouvoir économique qui se diffuse, et de l’impact des innovations dans le domaine des communications et des nouvelles technologies de l’information. Toutes choses qui font, qu’à ses yeux, l’économie mondiale est en pleine évolution. Elle estime que l’Asie fait preuve d’une vigueur et d’un dynamisme manifestes, que l’Europe connaît un processus historique d’intégration, aussi laborieux soit-il, que le Moyen-Orient en pleine mutation et que l’Afrique subsaharienne enregistre une percée, à travers une croissance vigoureuse et régulière…Tous ces changements, selon la patronne du Fmi, déterminent l’avenir du monde. Elle prévient toutefois que des difficultés jonchent le chemin de l’économie mondiale, comme l’attestent d’ailleurs les prévisions du Fonds.

Pour «la voie à suivre», elle invite à en finir avec la crise par, entre autres, une politique monétaire accommodante, un assainissement budgétaire conduisant à un rythme approprié et des réformes structurelles pour stimuler la productivité et la croissance. «Ne nous leurrons pas: sans croissance,  l’avenir de l’économie mondiale est menacé», a martelé la Directrice du Fonds monétaire. Selon elle, la réforme du système financier doit aussi être de mise.  Cette réforme, dit-elle, nécessite une meilleure réglementation, une meilleure surveillance, un meilleur règlement des défaillances des entités transnationales, des incitations raisonnables dans les établissements financiers et des conditions de concurrence pour le secteur. Il faudrait par ailleurs, affirme Mme Lagarde, combattre les inégalités et favoriser la croissance solidaire. Pour le Fmi de demain, elle estime que son institution doit toujours être un conseiller de confiance, et doit disposer des ressources nécessaires pour soutenir ses membres dans ce monde interconnecté et, surtout, refléter sa dimension mondiale.  En dernier ressort, Mme Lagarde a dégagé ce qu’elle a appelé «l’esprit de Tokyo»: la coopération. Et pour cause: «Le Japon est véritablement le champion du multilatéralisme et de la coopération mondiale. Il est un ami du Fmi, et nous célébrons actuellement nos 60 ans de partenariat», a-t-elle déclaré.

La Banque des solutions

Le Président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim a, lui, rendu hommage au peuple japonais, avant d’exhorter les actionnaires de son institution et les autres partenaires de développement à contribuer à «infléchir l’arc de l’Histoire», à accélérer les progrès et à éliminer l’extrême pauvreté. Selon lui, la Banque mondiale doit passer d’une institution de recherche du savoir à une institution de recherche de solutions. M. Kim dit avoir appris, à travers ses dizaines d’années de travail dans le développement, que les meilleures réponses aux problèmes économiques et sociaux résident souvent dans les individus et les communautés qui y sont confrontés au quotidien. «Ils ont été mes meilleurs professeurs. Nous devons écouter et suivre leur parole», dit-il.

Évoquant le contexte actuel, il a fait observer que l’instabilité économique et financière qui persiste en Europe continue de menacer la croissance et l’emploi dans les pays en développement et que la flambée des prix alimentaires crève lourdement les budgets des ménages les plus pauvres. Le président de la Banque mondiale a, par ailleurs, attiré l’attention des uns et des autres sur le fait que les appuis en faveur de l’aide au développement peuvent s’estomper face à d’autres priorités, mais il a souligné qu’avec plus d’un milliard d’individus en situation d’extrême pauvreté et 200 millions de chômeurs, ce n’est pas le moment pour les pays ou les institutions de faire cavalier seuls ou de se soucier uniquement de leurs propres intérêts. Il a pris bonne note des remarquables progrès accomplis ces dernières années au plan du développement.

L’action à mener par la Banque avec ses partenaires, selon le président de l’institution, consistera à relever les défis auxquels sont confrontés les pays à revenu élevé, les pays à revenu intermédiaire, les pays à faible revenu, les États fragiles et les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Pour cela, il a invité la Banque à exploiter son savoir et ses talents pour promouvoir une «science de la prestation» et a proposé quatre mesures immédiates pour accélérer ce processus. Il s’agira d’établir une ligne directrice claire et mesurable, de renforcer la mise en œuvre et les résultats, de fournir à ces préoccupations des solutions intégrées pour un impact maximum et de continuer à investir dans les données et les outils d’analyse, en nous appuyant sur le succès de l’initiative ‘’Données en libre accès’’.

«Lors de notre prochaine réunion, dans six mois, je vous présenterai un rapport d’avancement afin que vous sachiez où nous en sommes, ce qui aura été accompli et les points sur lesquels nous devons intensifier nos efforts. Je compte sur vous et sur vos Administrateurs pour nous rappeler à nos responsabilités durant ce processus, en veillant à nous fixer des objectifs ambitieux et à nous mobiliser pour les atteindre», a poursuivi M. Kim. En un rien ironique, il a conclu en ces termes: «Au sein du Groupe de la Banque mondiale, nous parlons souvent du rêve d’un monde sans pauvreté, la devise inscrite dans le hall d’entrée de notre siège. Le moment est venu de transformer ce rêve en réalité. Le moment est venu d’infléchir l’arc de l’Histoire. En nous appuyant sur la solidarité internationale et sur une volonté farouche de résultats, nous pouvons, nous devons et nous allons éliminer la pauvreté et construire une prospérité partagée». Qui dit mieux?

Des rapports et des séminaires à la pelle

Outre cette séance plénière, les Assemblées annuelles ont été marquées par la publication des traditionnels rapports semestriels du Fmi, notamment les Perspectives de l’économie mondiale et régionale, le Moniteur des finances publiques et le rapport sur la stabilité financière internationale. Les Assemblées ont également été l’occasion d’organiser des séminaires portant notamment sur «les risques souverains, les marchés des capitaux, la stabilité financière et leurs interconnexions»; «renforcement des capacités-partenariat pour une croissance durable»; «bonne  gestion des ressources naturelles-Enseignement et opportunités pour les pays à faible revenu»; «place des femmes dans le secteur privé-un atout pour le développement et l’activité économique»; «le défi de l’énergie en Afrique et le développement de ses infrastructures énergétiques, à l’approche de la TICAD V»; et que sais-je encore?

L’inspiration japonaise

Comme c’est souvent le cas, les Assemblées annuelles de Tokyo ont par ailleurs permis aux groupes de pays de se réunir et de prendre des décisions pour une meilleure orientation de l’économie mondiale, régionale et nationale. Le tout s’est déroulé dans une atmosphère à l’image du pays hôte, qui n’a lésiné sur aucun moyen pour faire du rendez de Tokyo et de Sendaï une source d’inspiration pour tout le monde.

Bachir Sylla, de retour de Tokyo

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 



03/09/2013
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